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PENSÉES DE

dans des obſcuritez impenetrables ? Quelle conſolation de n’attendre jamais de conſolateur ?

Ce repos dans cette ignorance eſt une choſe monſtrueuſe, & dont il faut faire ſentir l’extravagance & la ſtupidité à ceux qui y paſſent leur vie, en leur repreſentant ce qui ſe paſſe en eux-meſmes, pour les confondre par la veuë de leur folie. Car voicy comment raiſonnent les hommes quand il choiſiſſent de vivre dans cette ignorance de ce qu’ils font, & ſans en rechercher d’éclairciſſement.

Je ne ſçay qui m’a mis au monde, ny ce que c’eſt que le monde, ny que moy-meſme. Je ſuis dans une ignorance terrible de toutes choſes. Je ne ſçay ce que c’eſt que mon corps, que mes ſens, que mon ame ; & cette partie meſme de moy qui penſe ce que je dis, & qui fait reflexion ſur tout & sur elle-meſme, ne ſe connoiſt non plus que le reſte. Je voy ces effroyables eſpaces de l’Univers qui m’enferment, & je me trouve attaché à un coin de cette vaſte eſten-