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PENSÉES DE

Turcs, & de Payens ; c’eſt elle qui fait les meſtiers, les ſoldats, &c. Il eſt vray qu’il ne faut pas commencer par elle pour trouver la verité ; mais il faut avoir recours à elle, quand une fois l’eſprit à vû où eſt la verité ; afin de nous abbreuver & de nous teindre de cette creance qui nous échappe à toute heure ; car d’en avoir toûjours les preuves preſentes c’eſt trop d’affaire. Il faut acquerir une creance plus facile qu’il eſt celle de l’habitude, qui ſans violence, ſans art, ſans argument nous fait croire les choſes, & incline toutes nos puiſſances à cette creance, en ſorte que noſtre ame y tombe naturellement. Ce n’eſt pas aſſez de ne croire que par la force de la conviction, ſi les ſens nous portent à croire le contraire. Il faut donc faire marcher nos deux pieces enſemble ; l’eſprit, par les raiſons qu’il ſuffit d’avoir veües une fois en ſa vie ; & les ſens, par la couſtume, & en ne leur permettant pas de s’incliner au contraire.