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PENSÉES DE

pouvez aſſurer ny l’un ny l’autre ; par raiſon vous ne pouvez nier aucun des deux.

Ne blâmez donc pas de fauſſeté ceux qui ont fait un choix ; car vous ne ſçavez pas s’ils ont tort, & s’ils ont mal choiſy. Non, direz vous ; mais je les blameray d’avoir fait non ce choix, mais un choix : & celuy qui prend croix, & celui qui prend pile ont tous deux tort : le juſte eſt de ne point parier.

Ouy ; mais il faut parier ; cela n’eſt pas volontaire ; vous eſtes embarqué & ne parier point que Dieu eſt, c’eſt parier qu’il n’eſt pas. Lequel prendrez vous donc ? Peſons le gain & la perte en prenant le party de croire que Dieu eſt. Si vous gagnez, vous gagnez tout ; ſi vous perdez, vous ne perdez rien. Pariez donc qu’il eſt ſans heſiter. Ouy il faut gager. Mais je gage peut eſtre trop. Voyons : puis qu’il y a pareil hazard de gain & de perte, quand vous n’auriez que deux vies à gagner, pour une, vous pourriez encore gager. Et s’il y en avoit dix à gagner, vous ſeriez imprudent