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PENSÉES DE

détournent de cette foy, qui ſont principalement les paſſions é les vains amuſemens.



L’Unité jointe à l’infiny ne l’augmente de rien, non plus qu’un pied à une meſure infinie. Le finy s’anneantit en preſence de l’infiny, & devient un pur neant. Ainſi noſtre eſprit devant Dieu ; ainſi noſtre juſtice devant la juſtice divine.

Ils n’y a pas ſi grande diſproportion entre l’unité et l’infiny, qu’entre noſtre juſtice devant la juſtice divine.

§ Nous connoiſſons qu’il y a un infiny, & ignorons ſa nature. Comme, par exemple, nous ſçavons qu’il eſt faux que les nombres ſoient finis. Donc il eſt vray qu’il y a un infiny en nombre. Mais nous ne ſçavons ce qu’il eſt. Il eſt faux qu’il ſoit pair, il eſt faux qu’il ſoit impair ; car en ajoutant l’unité il ne change point de nature. Ainſi on peut bien connoiſtre qu’il y a un Dieu ſans ſçavoir ce qu’il eſt : & vous ne devez pas conclure qu’il n’y a point de Dieu de ce nous ne connoiſſons pas parfaite-