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PENSÉES DE

VI.

Foy ſans raiſonnement.



Si j’avois veu un miracle, diſent quelques gens, je me convertirois. Ils ne parleroient pas ainſi s’ils ſçavoient ce que c’eſt que converſion. Ils s’imaginent qu’il ne faut pour cela que reconnoiſtre qu’il y a un Dieu, & que l’adoration conſiſte à luy tenir de certains diſcours tels à peu prés que les payens en faiſoient à leurs idoles. La converſion veritable conſiſte à s’anneantir devant cet Eſtre ſouverain qu’on a irrité tant de fois, & qui peut nous perdre legitimement à toute heure ; à reconnoiſtre qu’on ne peut rien ſans luy, & qu’on n’a rien merité de luy que ſa diſgrace. Elle conſiſte à connoiſtre qu’il y a une oppoſition invincible entre Dieu & nous, & que ſans un mediateur il ne peut y avoir de commerce.

§ Ne vous étonnez pas de voir