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PENSÉES DE

§ Les Philoſophes ne preſcrivent point des ſentimens proportionnez aux deux eſtats. Ils inſpiroient des mouvemens de grandeur pure, & ce n’eſt pas l’eſtat de l’homme. Ils inſpiroient des mouvemens de baſſeſſe pure, & c’eſt auſſi peu l’eſtat de l’homme. Il faut des mouvemens de baſſeſſe, non d’une baſſeſſe de nature, mais de penitence ; non pour y demeurer, mais pour aller à la grandeur. Il faut des mouvemens de grandeur, mais d’une grandeur qui vienne de la grace & non du merite, & aprés avoir paſſé par la baſſeſſe.

§ Nul n’eſt heureux comme un vray Chreſtien, ny raiſonnable, ny vertueux, ny aimable. Avec combien peu d’orgueüil un Chreſtien ſe croit-il uny à Dieu ? Avec combien peu d’abjection s’égale-t’il aux vers de la terre ?

§ Qui peut donc refuſer à ces celeſtes lumieres de les croire, & de les adorer ? Car n’eſt-t’il pas plus clair que le jour que nous ſentons en nous