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Dans la jeunesse on est vert et dur, on s’attendrit plus tard, et enfin l’on arrive à être blette comme une poire d’edouin.

Tous les procès de presse, tous les empêchements à la pensée me stupéfient par leur profonde inutilité ; l’expérience est là pour prouver que jamais ils n’ont servi à rien. N’importe ! on ne s’en lasse pas. La sottise naturelle est au pouvoir. Je hais frénétiquement ces idiots qui veulent écraser la muse sous les talons de leurs bottes ; d’un revers de sa plume, elle leur casse la gueule et remonte au ciel. Mais ce crime-là, qui est la négation du Saint-Esprit, est le plus grand des crimes et peut-être le seul crime.

Voici un verset d’Isaïe que je me répète sans cesse, et qui m’obsède, tant je le trouve sublime : « Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du messager qui apporte de bonnes nouvelles ». Creuse-moi ça, songes-y ! quel horizon ! quelle bouffée de vent dans la poitrine !