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stériles qui appartiennent à l’humanité. Chaque religion et chaque philosophie a prétendu avoir Dieu à elle, toiser l’infini et connaître la recette du bonheur. Quel orgueil et quel néant ! Je vois, au contraire, que les plus grands génies et les plus grandes œuvres n’ont jamais conclu. Homère, Shakespeare, Gœthe, tous les fils aînés de Dieu (comme dit Michelet) se sont bien gardés de faire autre chose que représenter. Nous voulons escalader le ciel ; eh bien, élargissons d’abord notre esprit et notre cœur. Hommes d’aspirations célestes nous sommes tous enfoncés dans les fanges de la terre jusqu’au cou. La barbarie du moyen âge nous étreint encore par mille préjugés, mille coutumes.

Je viens d’avaler Lamennais, Saint-Simon, Fourier et je reprends Proudhon d’un bout à l’autre. Si on veut ne rien connaître de tous ces gens-là, c’est de lire les critiques et les résumés faits sur eux ; car on les a toujours réfutés ou exaltés, mais jamais exposés. Il y a une chose saillante et qui les lie tous : c’est la haine de la li-