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Le seul moyen de supporter l’existence, c’est de s’étourdir dans la littérature comme dans une orgie perpétuelle. Le vin de l’art cause une longue ivresse, et il est inépuisable. C’est de penser à soi qui rend malheureux.

Le style est autant sous les mots que dans les mots. C’est autant l’âme que la chair d’une œuvre.

Et d’ailleurs je ne sais (et personne ne sait) ce que veulent dire ces deux mots : âme et corps, où l’une finit, où l’autre commence ; nous sentons des forces, et puis c’est tout. Le matérialisme et le spiritualisme pèsent encore trop sur la conscience de l’homme pour que l’on étudie impartialement tous ces phénomènes. L’anatomie du cœur humain n’est pas encore faite. Comment voulez-vous qu’on le guérisse ? Ce sera l’unique gloire du XIXe siècle que d’avoir commencé ces études. Le sens historique est tout nouveau dans ce monde. On va se mettre à étudier les idées comme des faits et à disséquer les