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se placent au-dessus des montagnes. Je tourne à une espèce de mysticisme esthétique (si les deux mots peuvent aller ensemble) et je voudrais qu’il fût plus fort.

Voilà ce que tous les socialistes du monde n’ont pas voulu voir avec leur éternelle prédication matérialiste, ils ont nié la douleur, ils ont blasphémé les trois quarts de la poésie moderne ; le sang du Christ qui se remue en nous, rien ne l’extirpera, rien ne le tarira, il ne s’agit pas de le dessécher, mais de lui faire des ruisseaux. Si le sentiment de l’insuffisance humaine, du néant de la vie, venait à périr (ce qui serait la conséquence de leur hypothèse) nous serions plus bêtes que les oiseaux qui au moins perchent sur les arbres.

A mesure que l’humanité se perfectionne, l’homme se dégrade ; quand tout ne sera plus qu’une combinaison économique d’intérêts bien contre-balancés, à quoi servira la vertu ? Quand la nature sera tellement esclave qu’elle aura perdu