Page:Pensées de Gustave Flaubert 1915.djvu/106

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nous en savons beaucoup plus qu’on n’en a peut-être jamais su. Non, ce qui nous manque c’est le principe intrinsèque. C’est l’âme de la chose, l’idée même du sujet. Nous prenons des notes, nous faisons des voyages, misère, misère ! Nous devenons savants, archéologues, historiens, médecins, gnaffes et gens de goût. Qu’est-ce que tout ça y fait ? Mais le cœur ? la verve ; d’où partir et où aller ?

Ce qui nous manque, c’est l’audace. À force de scrupule, nous ressemblons à ces pauvres dévots qui ne vivent pas, de peur de l’enfer, et qui réveillent leur confesseur de grand matin pour s’accuser d’avoir eu la nuit des rêves amoureux. Ne nous inquiétons pas tant du résultat. Aimons, aimons, qu’importe l’enfant dont accouchera la Muse ; le plus pur plaisir n’est-il pas dans ses baisers ?

Exhumer, dans ce qu’on rejetait comme hors d’usage, des trésors nouveaux de plastique et de sentiment, découvrir dans l’univers de l’amour un sentiment nou-