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tout le mécanisme de la répression gouvernementale américaine, il donne une forme plastique à l’activité contre-révolutionnaire des leaders de l’A. F. L. D’autre part, il s’élève contre les illusions et l’opportunisme des socialistes dont la foi se crétinise dans le parlementarisme et les méthodes démocratiques. Comment, leur demande-t-il, pouvez-vous espérer une victoire pacifique à travers les urnes ? Le Talon de Fer supprimera les dernières libertés encore existantes ; le Talon de Fer nous piétinera impitoyablement. Et son héros criera aux socialistes, restés démocrates invétérés : « Il n’y a d’autre issue qu’une révolution sanglante. »

Jack London était en avance sur son parti — le Parti Socialiste Américain — dont l’unique préoccupation était l’augmentation des bulletins de vote socialistes. Et à nouveau, dans son œuvre, chaque fois qu’un réformiste exalte la prochaine victoire parlementaire, Jack London lui fait répondre : Combien de fusils avez-vous ? Combien de cartouches peut-on se procurer ?

L’écrasement de l’héroïque prolétariat de Moscou par l’expédition primitive tsariste, confirma à Jack London combien dur est le chemin qui mène à la victoire, mais il fit sienne la réponse léniniste à Plékhanov, il conserva son optimisme, crût à la victoire finale du prolétariat.

En deux phrases, Jack London résume les perspectives révolutionnaires après la défaite : « Cette fois nous avons été battus, mais pas vaincus… Nous avons beaucoup appris, demain le prolétariat se soulèvera à nouveau, plus fort, armé de plus d’expérience et de discipline. »

Presque tous les épisodes de la répétition générale de 1905, appliqués au milieu des États-Unis, lui servent dans le Talon de Fer  : le menchévisme, les Cent-Noirs, le système des passeports, les agents provocateurs, les groupes de combat terroristes. Le farmer américain écrasé par les grands trusts agraires, qui prennent la place du seigneur terrien, la lutte gigantesque entre les deux forces sociales adverses, la technique de répression américaine (et non tsariste) à Chicago (au lieu de Moscou) qui incarne aux yeux des ouvriers leur enfer capitaliste, tout donne au roman une empreinte d’origine américaine, alors que le modèle est russe.

Œuvre puissante et qui reste encore sans égale dans la littérature du nouveau continent.