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préface

demain : — ce fut le signal de la dislocation, l’unité disparut le jour où il fut question de la faire servir à quelque chose.

On a prétendu restaurer encore une fois l’unité en 1900 ; mais les socialistes sérieux se demandent encore une fois à quoi elle sert : « Nous avons vu venir des manifestes ou des projets de manifestations pour les Boers, pour les Arméniens, pour les Tagals, que sais-je ? Dans tout cela il n’a jamais été question des travailleurs… Il ne faudrait pourtant pas que le prolétariat fût amené à douter si cette Internationale-là est bien la sienne » (Socialiste, 17 novembre 1901). L’illusion unitaire se dissipe vite, dès que l’épreuve de la pratique vient à l’étreindre.

Les congrès internationaux en sont réduits à rabâcher les mêmes vœux ou à se contenter de vœux démocratiques ; Singer avait bien raison quand il disait[1] qu’il est mauvais de réunir trop souvent des congrès et que « cette répétition diminue la valeur des résolutions ». À chaque nouveau congrès, il y a dégénérescence de la doctrine ; pour maintenir une unité apparente, on abandonne les traditions. Engels avait écrit en 1894[2] que le programme agricole de Nantes devrait être révisé pour être mis d’accord avec les principes ; deux ans après, le congrès de Londres décidait « qu’il y a lieu de laisser aux différentes nationalités le soin de déterminer les moyens d’action les mieux appropriés à la situation de chaque pays » ; cette résolution fut considérée comme une approbation tacite de ce qu’Engels avait critiqué ; — à Paris, en 1900, il ne fut plus question du remplacement de l’armée par les milices, et encore moins de l’armement général du peuple ; — enfin, le congrès n’osa pas prendre de décision sur la question capitale de la par-

  1. Compte-rendu sténographique déjà cité, p. 142.
  2. Cf. Mouvement socialiste, 15 octobre 1900, p. 462.