Ces transformations me semblent dépendre des lois générales de notre esprit et je crois que nous parcourons ces chemins d’une manière à peu près fatale. Nous partons d’une utopie unitaire et autoritaire fondée sur un changement produit dans la société par la détermination de nouveaux principes ; — nous aboutissons à un possibilisme plus ou moins confus, qui peut varier depuis la simple démagogie jusqu’à un socialisme de professeurs, qui se donne pour but l’assainissement[1] du régime capitaliste.
Je ne chercherai pas ici à déterminer les lois psychologiques qui expliquent ces mouvements ; je me bornerai à faire ressortir les caractères des deux types principaux de conduite qu’ils engendrent :
1o Dans un premier mode, qui rappellerait assez une évolution complète, la doctrine reste conséquente avec la conduite ; il y a une dégénérescence progressive mais cohérente, que l’on prétend justifier au moyen d’une philosophie plus ou moins nuageuse de l’histoire. Que ne peut-on démontrer par les grands enseignements de l’histoire, quand on se place assez haut pour ne plus distinguer les causes ? On croit développer les principes, alors que l’on conserve seulement une terminologie, qui devient, tous les jours, moins intelligible, et on tue l’esprit ;
2o Quelques-uns ne veulent pas se donner tant de peine : ils conservent en bloc le vieux formulaire, tout en suivant une voie complètement opportuniste ; ils arrivent à concilier, par une subtile (et facile) casuistique, l’intransigeance la plus absolue avec un souci bien entendu des intérêts politiques immédiats[2].
- ↑ Les financiers appellent assainissement d’un marché la disparition des mauvaises affaires qui gênent l’essor des bonnes.
- ↑ Cette casuistique est facilitée par l’emploi de formules qui ne rappellent aucune image d’action connue : « La plupart des membres de ces sectes ne connaissent rien au delà de quelques termes qui n’ont de signification précise dans aucune langue : socialisation, conscience de classes,