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préface

ganiser et de revivifier la vie sociale. Napoléon avait eu une véritable manie organisatrice ; il aurait voulu refondre tous les usages des hommes et les réglementer par ce qu’il appelait des lois organiques ; ses contemporains étaient persuadés qu’il réalisait le type du vrai gouvernement fondé sur la raison.

Dans tout ce travail nous voyons une seule et même tendance : le désir de traduire matériellement l’idée d’une autorité rationnelle, souveraine directrice du monde. Les Allemands ont conservé, comme on le sait, beaucoup de conceptions qui sont démodées chez nous ; on ne comprendrait rien aux théories actuelles des social-démocrates si on ne se reportait à ce qui se pensait en France il y a soixante ans ; ils disent, par exemple, qu’il faut conquérir l’État pour frapper au cœur le mode de production capitaliste et régénérer la société par la dictature[1] ; chez eux, on ne sépare jamais ces deux idées : le changement absolu du principe et de l’autorité absolue. Les idées de liberté, de justice et d’initiative personnelle ne sont pas encore bien acclimatées en Allemagne.

Les constitutions politiques ont passé, en grand nombre, sur la France sans beaucoup changer notre pays : elles n’ont pas même eu une très grande influence sur les lois ; on peut en dire autant de toutes les autres utopies unitaires. Ce n’est pas que les utopistes n’aient souvent soulevé et ulicidé certains problèmes intéressants ; mais ce sont là

  1. La formule apocalyptique de dictature du prolétariat était en 1848 le mot d’ordre de jeune journalistes qui écrivaient des articles incendiaires et que K. Vogt appelait, à cause de cela, la bande soufrée (W. Vogt, la Vie d’un homme, C. Vogt, p. 124. Schleicher frères, éditeurs).