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et même un homme illustre, François-Marie Arouet de Voltaire ! Peut-être aussi Chamfort n’eut-il point d’autre raison pour l’engager à concourir que son goût pour La Fontaine et le plaisir d’en parler. Quoi qu’il en soit, il ne dut pas regretter de s’être mis sur les rangs. Son Éloge est charmant de tout point, et, lorsqu’on en a retranché quelques expressions un peu peinées et obscures, on y goûte un style d’une élégante fluidité et qui semble retenir quelque chose de l’aisance de La Fontaine. Un plan clair, naturel et qui consiste à étudier d’abord la morale du fabuliste, puis la finesse de son goût, enfin « l’accord singulier que l’un et l’autre eurent toujours avec la simplicité de ses mœurs[1] » ; des citations toujours heureusement choisies ; une extrême habileté à fondre dans la prose du discours, pour l’en parer, ce qu’il y a de plus aimable dans la poésie de La Fontaine ; des morceaux éclatants, comme le parallèle de La Fontaine et de Molière, qu’il faudrait citer tout entier, car il « est plein de vues, de justesse et de sagacité » ; toutes ces qualités mettent ces pages entre les meilleures qui aient été écrites sur notre grand fabuliste. Sainte-Beuve, de nos jours, les tenait en haute estime[2] et les critiques du xviiie siècle furent unanimes à applaudir à la décision de l’Académie de Marseille. Grimm, cette fois, a désarmé : « Quoique, dit-il, M. de La Harpe tienne à un parti, et par ses soumissions continuelles aux chefs de ce parti, et par ses empressements à faire le coup de poing avec tous

  1. V. l’article de Fréron dans l’Année littéraire, 1774, tome VIII, p. 145 sqq.
  2. Châteaubriand et son groupe littéraire, I, 120 (en note).