Page:Pellisson - Chamfort, 1895.djvu/23

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

collège des Grassins. Il ne justifia cette faveur qu’assez tard ; jusqu’à la troisième ses études furent médiocres. Mais à ce moment il sortit de pair, et devint un de ces empereurs de rhétorique qui faisaient la joie et l’orgueil de l’ancienne Université. Rhétoricien de première année, il remporte quatre prix au Concours général ; mais il avait manqué celui de vers latins. Sous peine de se voir supprimer sa bourse, il lui fallut redoubler sa classe. Au concours de fin d’année, il obtint cette fois partout le premier rang. « L’an passé, disait-il, j’avais imité Virgile, et j’ai manqué mon prix ; j’ai, cette année, imité Buchanan et l’on me couronne. » Cette malice n’était point la première qu’il laissât échapper au dire de Sélis, ses maîtres le savaient à la fois studieux et espiègle. Studieux, ses succès le prouvent ; et il ne se contentait pas d’exceller dans les exercices classiques ; il étudiait aussi, en se jouant, l’italien et l’anglais, qu’il posséda très complètement. Espiègle, Lebeau l’aîné, professeur de grec, s’en aperçut bien : Chamfort s’égayait des allures solennelles de ce maître, et troubla si souvent sa classe par des saillies, qu’il fut, à un moment, menacé d’exclusion. Son espièglerie ne s’en tint pas là : un jour, de compagnie avec Letourneur, qui devait plus tard traduire Shakespeare, il s’enfuit du collège. Ils avaient le dessein de faire le tour du monde. Arrivés à Cherbourg, nos aventuriers se ravisèrent : ils s’aperçurent que leur projet présentait des difficultés auxquelles ils n’avaient pas songé et se hâtèrent de retourner à l’école. On les y accueillit