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tion politique et sociale et ne tardent guère à émigrer. Marmontel, l’auteur de ce Bélisaire condamné par la Faculté de théologie, celui que Voltaire appelait illustre profès », prend peur tout de suite. Un arrêt du Conseil ayant supprimé le Journal des États-Généraux publié par Mirabeau, l’Assemblée générale des électeurs du Tiers-État de Paris protesta unanimement contre cette mesure. Unanimement ? Non. Un seul membre l’approuva ; et c’était Marmontel[1]. — Bernardin de Saint-Pierre, qui avait été plus que le disciple, l’ami de J.-J. Rousseau, vit à l’écart et comme caché dans sa maison de la rue de la Reine-Blanche ; ainsi que le remarque Chamfort, ses Vœux d’un Solitaire (1789) retardent déjà sur ceux de la nation[2]. Avant la Révolution, le révolutionnaire le plus brillant et le plus bruyant, c’est, sans contredit, Beaumarchais : que fait-il aux premières heures de 1789 ? Il écrit aux Comédiens français une lettre fort timorée à propos du Charles IX de Joseph Chénier[3] ! Puis il s’efface ; on n’entend plus parler de lui, sauf pour une affaire de fusils à vendre à la nation ; il s’est rallié sans doute à la Révolution, mais en homme qui la subit plutôt qu’il ne l’accepte. — En 1781, le livre de Raynal, censuré par la Sorbonne, est brûlé au pied du

  1. Mémoires de Bailly, cités par Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, IV, 538.
  2. Chamfort, Œuvres, III, p. 28. Pour toutes nos citations de Chamfort, nous renvoyons toujours à l’édition Auguis. (Paris, 1824,5 volumes in-8.o)
  3. Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, VI, 249.