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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Après les païens, voici les islamites. En racontant la prise de Constantinople par les Turcs, Ducas écrit la phrase suivante : « Le sultan envoya [à ses soldats] ordre d’allumer partout des feux, ce qui fut fait avec ce cri impie qui est le signe particulier de leur superstition détestable, » Allah, le nom même de Dieu, tel est le cri par lequel Ducas symbolise la « superstition » musulmane. Mais, des Turcs et des chrétiens, lesquels étaient plus superstitieux ? Ceux-ci se réfugièrent en grand nombre dans l’église Sainte-Sophie, sur la foi d’une prédiction qui les assurait qu’un ange descendrait à leur secours ; l’ange ne se montra point, et ils furent tous massacrés ou réduits en esclavage[1]. Du reste, les écrivains catholiques n’ont pas moins calomnié la morale musulmane que celle des païens. Mme du Châtelet, à ce que Voltaire rapporte, en lut, sur sa recommandation, un précis fort exact, et, surprise de la trouver si austère, s’indigna de la mauvaise foi avec laquelle nos historiens la défiguraient. Le mahométisme, dont ces historiens dénoncent la prétendue sensualité, n’interdit pas seulement le vin et les liqueurs, mais exige les jeûnes les plus rigoureux, et borne à quatre le nombre des femmes, que ne limitait point la loi judaïque[2]. Faut-il, du moment où l’on est chrétien, qu’on tâche à discréditer tous les autres cultes par des mensonges ?

Pour prouver la divinité du christianisme, on atteste la promptitude avec laquelle il se répandit. À vrai dire, aucune religion ne fit, sitôt née, autant de progrès que la musulmane. Et d’ailleurs, cette

  1. Essai sur les Mœurs, XVI, 492.
  2. Remarq. de l’Essai sur les Mœurs, XLI, 129.