blance avec nos anges[1]. Leurs fables absurdes, contradictoires, immorales : mais distinguons ces fables de leur religion ; elles étaient dans le polythéisme ce que sont dans le christianisme la Légende dorée et la Fleur des Saints[2]. Leurs oracles et leurs prodiges : mais oublions-nous donc Notre-Dame de Lorette, Saint-Antoine de Padoue, Saint-Jacques de Compostelle[3] ? On leur reproche enfin de n’avoir point de morale ; Lebeau, par exemple, dans sa docte Histoire du Bas-Empire, l’affirme en termes décisifs. « Les chrétiens, dit-il, avaient une morale, les païens n’en avaient point. » Mais comment peut-on avancer une pareille sottise ? et ceux qui l’avancent n’ont-ils donc jamais lu les philosophes grecs[4] ? On veut du moins que certaines vertus soient exclusivement chrétiennes, et surtout l’humilité. Voltaire atteste Platon, il rappelle Épictète, qui la prêche en vingt passages, Marc-Aurèle, qui la pratique sur le trône, qui égale Alexandre à son muletier[5]. En réalité le christianisme s’assimila la morale des païens, et les modifications qu’il y introduisit s’expliquent par les circonstances où se trouvait le monde aux premiers siècles de l’ère chrétienne. Dira-t-on que la philosophie grecque n’est pas une religion ? Si elle reconnaît un Dieu, un Dieu maître et père des hommes, on ne peut lui refuser ce nom qu’en le réservant au merveilleux, au surnaturel, à toutes les aberrations qui pervertissent et corrompent le christianisme.
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RELIGION