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VOLTAIRE PHILOSOPHE

le plan conventionnel qui la subordonnait à la théologie catholique[1].

Ensuite, Voltaire applique à l’évolution du catholicisme une méthode purement rationnelle. « Nous examinerons cette histoire, déclare-t-il, comme nous ferions celle de Tite-Live ou d’Hérodote » (Dieu et les Hommes, XLVI, 143). Et encore : « Il n’y a qu’un fanatique ou qu’un sot fripon qui puisse dire qu’on ne doit jamais examiner l’histoire de Jésus par les lumières de la raison. Avec quoi jugera-t-on d’un livre, quel qu’il soit ? Est-ce par la folie ? Je me mets ici à la place d’un citoyen de l’ancienne Rome qui lirait les histoires de Jésus pour la première fois » (Ibid., id., 201). Traiter le catholicisme ainsi qu’un phénomène naturel, étudier l’histoire sacrée en y appliquant la même méthode qu’à l’histoire profane, c’était, aux yeux des catholiques, un crime contre la religion. Ne se rappelle-t-on pas comment le premier en date de nos exégètes, Richard Simon, avait été, vers la fin du xviie siècle, poursuivi par Bossuet, qui l’accusait d’altérer « les sens de Dieu » ? Ses livres furent supprimés, et lui-même, réduit finalement au silence, mourut de chagrin. Mais, tandis que Richard Simon, membre de l’Oratoire et croyant, n’avait aucun dessein hostile à l’Église, et même qu’il défendit la divinité des Écritures contre Spinoza, Voltaire se sert de l’exégèse comme d’une arme pour combattre le catholicisme ; et ce que sa polémique cherche dans l’histoire, soit dans l’histoire profane soit dans

  1. Celui que traça Voltaire a, depuis cent cinquante ans, admis tous les progrès de la science historique, et l’on peut dire que nos historiens du xixe siècle sont ses disciples et ses continuateurs.