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RELIGION

n’est pas là le langage de la polémique, mais celui de l’équité[1].

Pour combattre l’Église, Voltaire n’en employa pas moins tous les moyens que la critique pouvait lui fournir.

D’abord aux préjugés religieux qui faisaient de la Palestine le centre même de l’humanité, il oppose tout ce qu’avait découvert la science contemporaine sur les antiques peuples du Haut-Orient. On peut sans doute relever chez lui maintes inexactitudes ; certaines sont imputables à ses propres préjugés ou à une méthode qui n’est pas toujours assez scrupuleuse ; la plupart, aux savants et aux voyageurs dans les relations desquels il devait chercher des renseignements. Mais ses nombreuses erreurs ne l’empêchent pas d’avoir, le premier, réformé la fausse conception qu’on s’était faite jusque-là de l’histoire universelle. Derrière le petit peuple Juif, qui n’y joua par lui-même qu’un rôle très médiocre, il montre les Chinois, les Hindous, les Persans, un monde bien autrement vaste que celui de la Bible ; et, donnant place à ces peuples dans l’histoire, il corrige ainsi

    été beaucoup plus modéré envers eux que le célèbre évêque du Bellay et que tous les auteurs qui ne sont pas du rite romain » (XLI, 156.).

  1. L’équité de Voltaire historien ne saurait pourtant, ajoutons-le, remplacer cette sympathie dont Renan faisait l’âme même de l’histoire. Il n’a pas vu et peut-être n’a-t-il pas voulu voir ce que le christianisme pouvait contenir d’approprié aux instincts, aux besoins, aux aspirations intimes de l’âme humaine. Mais doit-on lui demander de la sympathie pour une religion qu’il s’attacha pendant toute sa vie à combattre ? C’est comme si l’on en demandait à l’auteur des Provinciales pour le jésuitisme.