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VOLTAIRE PHILOSOPHE

jugement, à vrai dire paraît équitable ; et l’abbé Fleury les apprécia beaucoup plus sévèrement.

Dans ses ouvrages de polémique, Voltaire peut bien ne nous montrer le catholicisme que par ses mauvais côtés. Mais distinguons l’historien du polémiste. Historien, il s’efforce d’être juste. Sans citer ce qu’il dit de l’évêque Gozlin, de Léon IV, d’Alexandre III, ou même d’Alexandre VI, rappelons du moins qu’il rend un sincère hommage soit à certaines institutions ecclésiastiques, soit au clergé pris dans son ensemble. Et même, son aversion pour les moines ne l’empêche pas de les louer. « Il faut convenir, lisons-nous dans le Dictionnaire philosophique à l’article Biens d’église, qu’il y a eu toujours parmi eux des hommes éminents en science et en vertu, que, s’ils ont fait de grands maux, ils ont rendu de grands services » (XXVII, 369). Et, dans l’Essai sur les Mœurs : « Trop d’écrivains se sont fait un plaisir de rechercher les désordres et les vices dont furent souillés quelquefois ces asiles de la piété [les monastères]; il est certain que la vie séculière a toujours été plus vicieuse » (XVII, 325)[1]. Ce

  1. Cf. Essai sur les Mœurs. « On ne pouvait reprocher à ces bénédictins de violer par leurs richesses leur vœu de pauvreté, car ils ne font point expressément ce vœu… On leur donna même souvent des terres incultes qu’ils défrichèrent de leurs mains. Ils formèrent des bourgades, des petites villes même autour de leurs monastères. Ils étudièrent ; ils furent les seuls qui conservèrent les livres en les copiant ; et enfin, dans ces temps barbares où les peuples étaient si misérables, c’était une grande consolation de trouver dans les cloitres une retraite assurée contre la tyrannie » (XV, 443). — Remarques de l’Essai sur les mœurs : « On a parlé des moines dans l’Essai sur les Mœurs, quoique cette partie du genre humain ait été omise dans toutes les histoires qu’on appelle profanes… L’auteur a