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RELIGION

fut enfin, pendant quatre ou cinq cents années, la gardienne de l’idéal, Voltaire sans doute ne le dit pas assez. Mais devons-nous, après tant d’autres, l’accuser d’avoir trop assombri le moyen âge par hostilité contre la religion catholique ? Le xviie siècle lui-même, si catholique de tempérament, n’y voyait qu’une époque de ténèbres et de barbarie.

On fait surtout un crime à Voltaire de vilipender les croisades. Ce furent, selon lui, des « folies guerrières » (Essai sur les Mœurs, XVI, 149), des « fureurs épidémiques » (Petites hardiesses de M. Clair, XLVII, 133). Les Européens n’en rapportèrent que la lèpre[1], et l’unique bien procuré par ces désastreuses expéditions consista dans la liberté de plusieurs communes, qui achetèrent leur charte d’affranchissement aux seigneurs ruinés[2]. De telles boutades, il faut l’avouer, sentent le parti pris. Mais lui reprochera-t-on de dire que, si l’Égypte suivait la religion du Prophète, ce n’était pas un motif suffisant pour la ravager[3], ou de faire honte à la cruauté des chrétiens, quand, après avoir pris Jérusalem, ils massacrèrent les infidèles sans distinction d’âge ni de sexe[4], et quand, devenus maîtres de Constantinople, ils se ruèrent au sac des églises en tuant tout sur leur passage[5] ? Aussi bien, quel est son jugement général sur les croisades ? Elles produisirent, déclare-t-il, de grandes et d’infâmes actions, de nouveaux établissements, de nouvelles misères, beaucoup de malheur, peu de gloire[6]. Ce

  1. Essai sur les Mœurs, XVI, 135.
  2. Ibid., id., 212.
  3. Ibid., id., 205.
  4. Ibid., id., 168.
  5. Ibid., id., 190.
  6. Ibid., id., 149.