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VOLTAIRE PHILOSOPHE

lui ayant dit un jour : « Vous avez beau faire, jeune homme, vous ne détruirez pas le catholicisme », il répondit : « C’est ce que nous verrons. »

Sans citer d’autres ouvrages de sa jeunesse, et même des tragédies, dans lesquels se marquent par maints traits le mépris et la haine de la religion catholique, rappelons au moins ses Remarques sur les Pensées de Pascal. Il y montre que la nature humaine ne présente point les contrariétés sur lesquelles s’appuie ce « misanthrope sublime » pour prouver le christianisme, et que, d’ailleurs, le mythe de Prométhée et de Pandore, la fable des androgynes ou la doctrine de Zoroastre en rendraient tout aussi bien compte. Il accuse Pascal d’exagérer à plaisir notre misère, d’expliquer une prétendue énigme par un mystère plus inconcevable encore et qui dément notre raison. Il proteste contre son étrange assertion, que l’obscurité même des dogmes en démontre la vérité. Il lui reproche enfin son fanatique amour de Dieu, qui l’empêche d’aimer les créatures. Ce qu’il a voulu combattre en s’attaquant tout d’abord à Pascal, c’est le plus éloquent apologiste de la foi chrétienne.

Luttant contre le catholicisme, Voltaire ne saurait être impartial. On peut notamment l’accuser d’avoir méconnu sur plusieurs points le rôle bienfaisant de l’Église. Par exemple, il n’apprécie pas avec équité les services que, durant les premiers siècles du moyen âge, elle rendit à la civilisation. Si l’Église sauva, de la culture antique, tout ce qui pouvait en être préservé, si elle garantit les institutions sur lesquelles repose l’ordre social, si elle donna l’exemple du travail soit intellectuel, soit même manuel, si elle