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VOLTAIRE PHILOSOPHE

même raison qu’il n’y a point d’arbres qui portent des feuilles et des fruits en sortant de la terre, Dieu nous fait naître avec des organes qui, dans le cours de leur croissance, nous fournissent peu à peu toutes les notions nécessaires à la vie humaine. Et Voltaire, qui convient avec Locke qu’aucune idée morale n’est innée dans notre âme, peut sans contradiction soutenir contre Locke que Dieu nous révèle sa loi[1].

Consistant dans une morale inspirée par l’Être suprême au cœur des hommes, la religion que prêche Voltaire est donc universelle. Les autres religions n’ont chacune qu’un certain nombre d’adeptes, et d’ailleurs elles se divisent, comme le christianisme, en sectes rivales. Or la vérité ne comporte point de sectes. Une secte est toujours « le ralliement du doute » (Dict. phil., Sectes, XXXII, 207). Vous faites profession de mahométisme : mais d’autres font profession de christianisme, et vous pouvez donc être dans l’erreur. Vous faites profession de christianisme : mais d’autres font profession de mahométisme ; et qui vous assure qu’ils ne sont pas dans le vrai ? La meilleure religion, la seule bonne, c’est celle qui unit tous les esprits ; elle a pour dogmes l’adoration de Dieu et le culte de la vertu.

  1. « Qui nous a donné le sentiment du juste et de l’injuste ? Dieu, qui nous a donné un cerveau et un cœur. Mais quand votre raison vous apprend-elle qu’il y a vice et vertu ? Quand elle nous apprend que deux et deux font quatre. Il n’y a point de connaissance innée, par la raison qu’il n’y a point d’arbre qui porte des feuilles et des fruits en sortant de terre. Rien n’est ce qu’on appelle inné, c’est-à-dire né développé. Mais… Dieu nous fait naître avec des organes qui, à mesure qu’ils croissent, nous font sentir tout ce que notre espèce doit sentir pour la conservation de cette espèce » (Dict. phil., Juste, XXX, 503). — Cf. encore Ibid., Conscience, XXVIII, 170; Loi naturelle, XIX, 164.