Page:Pellissier - Voltaire philosophe, 1908.djvu/84

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
69
RELIGION

Voltaire les a souvent rappelés, et maintes pages de ses écrits sur la religion en sont une éloquente paraphrase. Le Dieu que lui ont démontré la métaphysique et la physique, il n’y voit pas seulement une vérité abstraite, ou même l’architecte de l’univers, il y voit l’auteur de la loi morale. Or, les philosophes qui pensent que Dieu a créé le monde sans donner une loi morale à l’homme, peuvent bien n’être point religieux ; mais ceux-là ont vraiment une religion, qui croient que nous tenons de Dieu la conscience du bien et du mal.

Ici, Voltaire a été accusé de se contredire. Il repousse les idées innées : comment donc admet-il que nous ayons reçu de Dieu cette conscience[1] ?

Avec Locke en effet, et par les mêmes arguments, Voltaire combat l’innéité. « Locke a démontré, s’il est permis de se servir de ce terme en morale et en métaphysique, que nous n’avons ni idées innées, ni principes innés… ; nous n’avons point d’autre conscience que celle qui nous est inspirée par le temps, par l’exemple, par notre tempérament, par nos réflexions » (Dict. phil., Conscience, XXVIII, 169)[2]. Mais qu’est-ce que l’idée du bien et du mal, comme l’entend Voltaire ? S’il n’y a selon lui aucune connaissance innée, par la

  1. « Est-il un pur positiviste en morale ? Il semble que oui, il semble que non. Il semble que oui : il repousse de toutes ses forces les idées innées… Donc, point de loi morale… Si ! il y en a une et Voltaire fait une exception en sa faveur. Pour elle, il supposera une idée innée, une manière de révélation. Dieu a parlé. « Il a donné sa loi »… Qu’on ne dise point que la conscience est un effet de l’hérédité, de l’éducation, de l’habitude et de l’exemple ; elle est bien un ordre de Dieu à notre âme » (E. Faguet, Dix-huitième siècle, p. 210).
  2. Cf. Traité de Métaphysique, XXXVII, 299 sqq.