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VOLTAIRE PHILOSOPHE

mal, et qu’il leur a donné à tous ce bon sens qui est l’instinct de l’homme et sur lequel est fondée la loi naturelle, celui-là sans doute a une religion » (Dict. phil., Théisme, XXXII, 349). À M. Contant d’Orville, qui lui avait envoyé le premier volume d’un recueil intitulé Pensées de Voltaire, il répond : « Je me suis retrouvé d’abord dans tout ce que j’ai dit de Dieu. Ces idées étaient parties de mon cœur si naturellement, que j’étais bien loin de soupçonner d’y avoir aucun mérite » (11 févr. 1766).

La croyance de Voltaire en Dieu n’est donc pas une simple adhésion de l’entendement ; elle part aussi du cœur. Dans l’article du Dictionnaire philosophique intitulé Amour de Dieu, il compare cet amour à celui que nous inspire l’auteur d’un beau poème, d’un chef-d’œuvre de l’art en musique ou en peinture ; et il explique par là nos « élans » vers l’Être suprême[1]. Dans Le Pour et le Contre, il dit :

Je veux aimer ce Dieu, je cherche en lui mon père ;


puis, le prenant à témoin :

Je ne suis pas chrétien, mais c’est pour t’aimer mieux.

(XII, 16, 19.)
  1. « Il parait clair qu’on peut aimer un objet sans aucun retour sur soi-même, sans aucun mélange d’amour-propre intéressé. Nous ne pouvons comparer les choses divines aux choses terrestres, l’amour de Dieu à un autre amour. Il manque précisément un infini d’échelons pour nous élever de nos inclinations humaines à cet amour sublime. Cependant, puisqu’il n’y a pour nous d’autre point d’appui que la terre, tirons nos comparaisons de la terre. Nous voyons un chef-d’œuvre de l’art en peinture, en sculpture, en architecture, en poésie, en éloquence ; nous entendons une musique qui enchante nos oreilles et notre âme : nous l’admirons, nous l’aimons, sans qu’il nous en revienne le plus léger avantage. C’est un sentiment pur ; nous