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RELIGION

encore, dans les derniers temps de sa vie, lorsqu’il combat l’athéisme. « La religion, dites-vous, a produit des milliasses de forfaits. Dites : la superstition, qui règne sur notre triste globe ; elle est la plus cruelle ennemie de l’adoration pure qu’on doit à l’Être suprême » (Dict. phil., Dieu, XXVIII, 389)[1]. Les catholiques confondaient la superstition et la religion pour défendre l’une aussi bien que l’autre ; les athées, pour attaquer l’une et l’autre également. Voltaire les distingue pour attaquer la première et défendre la seconde.

Certes, il n’y a en lui rien d’un mystique. Pourtant sa religion ne procède pas de l’intelligence seule ; elle est bien une religion, et non pas une philosophie purement rationnelle.

Ne reconnaître qu’un Dieu créateur, ne considérer Dieu que comme un être infiniment puissant, et ne voir dans ses créatures que d’admirables machines, ce n’est pas, il le déclare lui-même, être vraiment religieux. Mais, continue-t-il, « celui qui pense que Dieu a daigné mettre un rapport entre lui et les hommes, qu’il les a faits libres, capables du bien et

    ces pauvres gens,… que la religion ne consiste ni dans les rêveries des bons quakers, ni dans celles des bons anabaptistes ou des piétistes, ni dans l’impanation et l’invination, ni dans un pèlerinage à Notre-Dame-de-Lorette, à Notre-Dame-des-Neiges ou à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, mais dans la connaissance de l’Être suprême qui remplit toute la nature et dans la vertu » (Lettre à Frédéric, nov. 1769 ; LXVI, 75). — Cf. encore, Henriade, chant iv, le portrait de la Religion, X, 145.

  1. « Détestons, ajoute-t-il, ce monstre qui a toujours dechiré le sein de sa mère ; ceux qui le combattent sont les bienfaiteurs du genre humain ; c’est un serpent qui entoure la religion de ses replis. Il faut lui écraser la tête sans blesser celle qu’il infecte et qu’il dévore. »