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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Serai-je musulman parce que je serai né en Turquie ? Je ne dois penser que par moi-même et pour moi-même… Tu adores un Dieu par Mahomet ; et toi, par le grand Lama ; et toi, par le pape. Eh ! malheureux, adore un Dieu par ta propre raison[1]. »

Dire que Voltaire est irréligieux, c’est confondre la religion avec la superstition. Lui-même s’attache souvent à en faire la différence :

Je distinguai toujours de la religion
Les malheurs qu’apporte la superstition.
(Épître à l’auteur du livre des Trois imposteurs, XIII, 266.)


Il les distingue en combattant le catholicisme : « La superstition est à la religion ce que l’astrologie est à l’astronomie, la fille très folle d’une mère très sage » (Traité de la Tolérance, XLI, 357) ; « celle-là est l’objet de la sottise et de l’orgueil, celle-ci est dictée par la sagesse et par la raison » (Lettre à M. Bertrand, 8 janv. 1764)[2]. Il les distingue

  1. Dans les notes que Voltaire écrivit sur son exemplaire du Vicaire Savoyard, on trouve notamment les deux suivantes :
    Texte du Vicaire Savoyard : Que faire au milieu de toutes ces contradictions ?… Respecter en silence ce qu’on ne saurait ni rejeter ni comprendre. Note de Voltaire : « Si tu ne comprends, rejette. »
    Texte du Vicaire Savoyard : Dans l’incertitude on nous sommes, c’est une inexcusable présomption de professer une autre religion que celle où l’on est né. Note de Voltaire : « Pourquoi professer des sottises ? Il n’y a qu’à se taire et à ne rien professer. » (Notes inédites de Voltaire sur la Profession de foi du Vicaire Savoyard, publiées par B. Bouvier, Genève, 1906).
  2. « Il y a partout de ces esprits également absurdes et méchants qui croient ou qui font semblant de croire qu’on n’a point de religion quand on n’est pas de leur secte… J’ai dit quelque part que La Mothe-le-Vayer, précepteur du frère de Louis XIV, répondit un jour a un de ces maroufles : Mon ami, j’ai tant de religion que je ne suis pas de ta religion. Ils ignorent,