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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

de faire ce qu’on veut ? Alors, il apparaît suffisamment que nous ne sommes pas libres. Mais, définie à la façon des scolastiques, qui veulent soustraire l’homme aux lois de la nature, elle est « une chimère absurde » (Lettre à M. ***, 1776 ; LXX, 108).

On peut relever maintes inconséquences dans la métaphysique de Voltaire ; sur le problème du mal, sur l’âme, sur le libre arbitre, il a successivement émis des opinions différentes ou même contradictoires. En réalité, la seule chose qu’il affirme à toutes les époques de sa vie, c’est notre ignorance. « Nous ne raisonnons guère, en métaphysique, que sur des probabilités ; nous nageons tous dans une mer dont nous n’avons jamais vu le rivage » (Dict. phil., Dieu, XXVIIII, 388). Il reconnaît du reste ses propres variations. « Je ne suis sûr de rien, dit-il dans l’A, B, C, sous le nom d’A ; je crois qu’il y a un être intelligent, une puissance formatrice, un Dieu. Je tâtonne dans l’obscurité sur tout le reste. J’affirme une idée aujourd’hui, j’en doute demain ; après-demain, je la nie, et je puis me tromper tous les jours » (XLV,

    en dépend, serait-elle à la fois nécessitée et absolument libre ? Je sens en mille occasions que cette volonté ne peut rien ; ainsi, quand le maladie m’accable, quand le passion me transporte, quand mon jugement ne peut atteindre aux objets qu’on me présente, etc. ; je dois donc penser que, les lois de la nature étant toujours les mêmes, ma volonté n’est pas plus libre dans les choses qui me paraissent les plus indifférentes que dans celles où je me sens soumis à une force invincible. Nous pouvons réprimer nos passions… ; mais alors nous ne sommes pas plus libres en réprimant nos désirs qu’en nous laissant entraîner à nos penchants, car, dans l’un et l’autre cas, nous suivons irrésistiblement notre dernière idée, et cette dernière idée est nécessaire » (XLII, 548).