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VOLONTAIRE PHILOSOPHE

qu’ils sont prédestinés au châtiment » (Il faut prendre un parti, XLVII, 94).

Quand Voltaire soutient la liberté, comment la soutient-il ? Selon lui, remarquons-le tout d’abord, l’homme n’est ni entièrement ni constamment libre ; la liberté consiste dans la puissance faible, limitée et passagère de s’appliquer à quelques pensées et d’opérer certains mouvements. Mais en reconnaître les bornes, ce n’est point la nier. On allègue nos passions, qui nous entraînent parfois malgré nous ; que ne dit-on de même : « Les hommes sont parfois malades, donc ils n’ont point la santé » ? Si nous ne sommes pas complètement libres, nous le sommes plus ou moins, comme nous sommes plus ou moins sains, plus ou moins robustes. Voilà ce que dit Voltaire lorsqu’il traite pour la première fois la question du libre arbitre dans son Traité de Métaphysique et dans un de ses Discours sur l’Homme[1] : Trois ans après, il exprime les mêmes idées dans les Éléments de la Philosophie de Newton, et s’attache à montrer que, plus notre raison domine sur nos passions, plus nous sommes libres. En 1737 et 1738, il défend sa thèse dans quelques lettres à Frédéric soit par des arguments analogues, soit en s’appuyant sur le sens intime ; dans une lettre à Helvétius, du 11 septembre 1738, il invoque des raisons d’ordre moral.

Pourtant il ne dissimule pas, même alors, les objections des fatalistes ; et il avoue que ces objections « effraient » (Élém. de la Philos. de Newton, XXXVIII,

  1. Le second, écrit en 1734 comme le Traité de Métaphysique. Citons-en tout au moins ce vers bien connu :

    La liberté dans l’homme est la santé de l’âme.

    (XII, 60.)