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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

C’est dans la seconde pourtant qu’il se met surtout au point de vue moral et social. Or nier le libre arbitre, n’est-ce pas nier aussi les sanctions futures dont il allègue si souvent l’utilité pour les mœurs privées et pour les mœurs publiques ?

Lui-même fait plus d’une fois valoir cet argument contre les fatalistes. Mais quand il nie le libre arbitre, il n’en veut pas moins justifier tant bien que mal, soit en cette vie, soit en l’autre, les peines et les récompenses. « A-t-on raison de dire que, dans le système de cette fatalité universelle, les peines et les récompenses seraient inutiles et absurdes ? N’est-ce pas plutôt évidemment dans le système de la liberté ?… En effet, si un voleur de grand chemin possède une volonté libre, se déterminant uniquement par elle-même, la crainte du supplice peut fort bien ne le pas déterminer à renoncer au brigandage ; mais si les causes physiques agissent uniquement, si l’aspect de la potence et de la roue fait une impression nécessaire et violente, elle corrige nécessairement le scélérat témoin du supplice d’un autre scélérat » (Élém. de la Philos. de Newton, XXXVIII, 35). Dans ce passage, il s’agit surtout de la vie présente ; dans le suivant, il peut tout aussi bien s’agir de la vie future : « La crainte d’ôter à l’homme je ne sais quelle fausse liberté, de dépouiller la vertu de son mérite et le crime de son horreur, a quelquefois effrayé des âmes tendres ; mais, dès qu’elles ont été éclairées, elles sont bientôt revenues à cette grande vérité, que tout est enchaîné et que tout est nécessaire… Le vice est toujours vice comme la maladie est toujours maladie. Il faudra toujours réprimer les méchants ; car, s’ils sont déterminés au mal, on leur répondra