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VOLTAIRE PHILOSOPHE

végétation, il lui était impossible de leur donner la sensibilité et l’intelligence[1].

Non seulement l’âme peut être matérielle, mais nous avons toute raison de penser qu’elle l’est.

Pendant des siècles, on a transformé les mots en êtres réels. La scolastique voyait partout entités, quiddités, eccéités. Nos ancêtres, dont elle avait façonné l’esprit, croyaient que l’odeur et la couleur partent des objets, et leur prêtaient une véritable existence. Ce ne sont que des mots inventés pour soulager l’entendement. Il n’existe pas non plus d’êtres réels correspondant aux mots de volonté, de désir, d’imagination. Il n’en existe pas davantage qui correspondent au mot d’âme. Cette âme, qu’on nous donne pour une substance, est une faculté, une propriété de nos organes[2].

Les escargots ont, comme les hommes, des goûts, des sensations, des souvenirs ; et cependant personne ne voudrait sans doute prétendre qu’ils ont une âme spirituelle[3].

Si notre corps renfermait je ne sais quel petit dieu nommé âme, ce petit dieu devrait ou bien exister de tout temps, ou bien se former soit dans le moment de la conception, soit entre la conception et la naissance, soit quand nous venons à naître. Toutes ces hypothèses sont également ridicules[4].

D’un autre côté, si ce qu’on appelle âme était un

  1. Dict. phil, Âme, XXVI, 202, 234, 239, 251 et passim ; Traité de Métaphysique, XXXVII, 313 sqq.
  2. A, B, C, XLV, 27 ; Il faut prendre un parti, XLVII, 87 sqq. ; De l’âme, XLVIII, 71 sqq. ; Lettre à d’Argental, 20 avr. 1769, édition Moland, L, 454.
  3. Il faut prendre un parti, XLVII, 87.
  4. Ibid., XLVII, 89.