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VOLTAIRE PHILOSOPHE

son héros veut travailler la terre, un bon vieillard insoucieux des affaires publiques et de tout ce qui peut bien se passer à Constantinople, alors nous opposerions à cette maxime la vie de Voltaire, sa vie de travail et de lutte pour le progrès humain.

Quelle qu’en soit la force, les arguments des pessimistes ne sauraient valoir contre la croyance à l’Être suprême. Dieu existe, c’est un dogme que démontrent des preuves invincibles : attachons-nous-y fermement. « Tout le monde dit : Comment, sous un Dieu bon, y a-t-il tant de souffrances ? Et là-dessus chacun bâtit un roman métaphysique. Mais aucun de ces romans ne peut ébranler cette grande vérité, que tout émane d’un principe unique » (Tout en Dieu, XLVI, 52). « La terre est couverte de crimes comme elle l’est d’aconit, de ciguë, d’arsenic ; cela empêche-t-il qu’il y ait une cause universelle » (Ibid., id.)[1]. Si notre raison concilie difficilement le mal avec l’existence de Dieu, cette raison même nous contraint de croire à un Être suprême[2].

Sur l’âme, Voltaire a émis tour à tour des opinions contradictoires. Tantôt il en reconnaît l’immortalité, soit, comme nous l’avons vu, pour combattre le pessimisme, soit, comme nous le verrons, pour donner une sanction à la morale ; tantôt il admet qu’elle périt avec le corps.

  1. De même, Épître à l’auteur du livre des Trois imposteurs :

    De lézards et de rats mon logis est rempli,
    Mais l’architecte existe.

    (XIII, 265.)
  2. « Je conviens avec douleur qu’il y a beaucoup de mal moral et de mal physique ; mais, puisque l’existence de Dieu est certaine, il est aussi très certain que tous ces maux ne peuvent empêcher que Dieu existe » (Hist. de Jenni, XXXIV, 403).