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VOLTAIRE PHILOSOPHE

On peut dire néanmoins que, plutôt disposé, dans la première moitié de sa vie, à montrer le bien, Voltaire, dans la seconde, montre de préférence le mal. Aussi trouvons-nous chez lui sur ce point maintes contradictions. Mais il ne fut jamais ni vraiment optimiste dans l’une, ni, dans l’autre, vraiment pessimiste.

Devons-nous croire que Voltaire, comme on le prétend, ait été converti au pessimisme par le tremblement de terre de Lisbonne ? Ne le jugeons pas si peu philosophe. Sans doute ce fut là un affreux désastre. Mais ignorait-il tant d’autres fléaux non moins affreux qui avaient désolé le monde ?

Pourtant cette catastrophe produisit sur lui une très forte impression, et il en prit souvent texte, comme d’un fait tout récent, pour combattre les théories des optimistes. Le 28 novembre 1755[1], écrit à M. Bertrand : « Voilà la triste confirmation du désastre… Si Pope avait été à Lisbonne, aurait-il osé dire : Tout est bien ? » Deux jours après, au même : « Voilà un terrible argument contre l’Optimisme. » Le 1er décembre, à d’Argental : « Le Tout est bien… est un peu dérangé. » Le 2, à M. Dupont : « Le Tout est bien et l’Optimisme en ont dans l’aile. » Et, non content de faire son poème sur le Désastre de Lisbonne, il le complète par une préface où les assertions de Leibniz sont éloquemment réfutées. « Si jamais, y dit-il, la question du mal physique a mérité l’attention de tous les hommes, c’est dans les événements funestes qui nous rappellent à la con-

  1. Le tremblement de terre de Lisbonne avait eu lieu le 1er novembre.