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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

naire[1]. Puis, les maux nous sont plus sensibles que les biens et nous en gardons plus longuement la mémoire. Enfin l’homme, partout et-toujours, a pris plaisir à se plaindre. Voilà pour quelles raisons tant de gens déclarent la vie mauvaise. Mais, si bien peu cependant souhaitent de mourir, on doit en conclure que la somme des biens excède celle des maux[2].

C’est surtout pendant la première moitié de sa carrière que Voltaire inclina vers l’optimisme. Il n’en a pas moins, durant la seconde et jusqu’en ses dernières années, célébré plus d’une fois le bonheur de vivre. Voici, par exemple, un passage des Dernières Remarques sur les Pensées de Pascal[3] : « J’arrive de ma province à Paris ; on m’introduit dans une très belle salle où douze cents personnes écoutent une musique délicieuse ; après quoi toute cette assemblée se divise en petites sociétés qui vont faire un très bon souper, et après ce souper elles ne sont pas absolument mécontentes de la nuit. Je vois tous les beaux arts en honneur dans cette ville, et les métiers les plus abjects bien récompensés, les infirmités très soulagées, les accidents prévenus ; tout le monde y jouit, ou espère jouir, ou travaille pour jouir un jour, et ce dernier partage n’est pas le plus mauvais. Je dis alors à Pascal : Mon grand homme, êtes-vous fou ? » (L, 375). Nous reconnaissons dans ces lignes l’auteur du Mondain ; il y répète en prose les aimables couplets d’autrefois en raillant comme par le passé ceux que leur austérité fanatique oblige de calomnier l’existence humaine.

  1. Extrait de la Biblioth. raisonnée, XXXIX, 440.
  2. Cf. Élém. de la Philos. de Newton, XXXVIII, 17.
  3. Écrites en 1777.