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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

La question de la Providence se rattache à celle du finalisme, et Voltaire la traite de la même façon. Il y a une Providence aussi bien qu’il y a des causes finales. « Nous ne regardons point ce dogme… comme un système » ; c’est « une chose démontrée à tous les esprits raisonnables » (Dict. phil., préf. de 1765, XXVI, 2). Mais, s’il y a une Providence, ce n’est pas une Providence particulière. L’Être suprême gouverne le monde par des lois générales et n’en trouble pas l’ordre par des caprices.

Sœur Fessue se félicite que Dieu la protège. Son moineau allait mourir, déclare-t-elle à un philosophe ; elle a débité neuf Ave, le voilà guéri. Ma chère sœur, lui dit ce philosophe, « je crois la Providence générale… ; je ne crois point qu’une Providence particulière change l’économie du monde en faveur de votre moineau ou de votre chat » (Dict. phil., Providence, XXXII, 23). Et il lui remontre que l’Être suprême a d’autres affaires, mais surtout que les lois par lesquelles il règle la nature sont nécessairement immuables.

D’après l’historien Mézeray, Dieu fit mourir le roi d’Angleterre Henri V d’une fistule à l’anus pour le punir de s’être assis sur le trône du roi très chrétien. Non, Henri V mourut « parce que les lois générales émanées de la toute-puissance avaient tellement arrangé la matière, que la fistule à l’anus devait terminer la vie de ce héros » (Hist. de Jenni, XXXIV, 407)[1]. Le soleil luit sur les méchants comme sur les bons, et jamais on ne voit un criminel châtié soudain par je ne sais quelle éclatante incartade de la justice divine.

  1. Cf. Remarques de l’Essai sur les Mœurs, XLI, 146, 147.