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VOLTAIRE PHILOSOPHE

Les athées se moquaient des déistes en les appelant cause-finaliers. « Si une horloge n’est pas faite pour montrer l’heure, j’avouerai alors, leur répond-il, que les causes finales sont des chimères, et je trouverai fort bien qu’on m’appelle cause-finalier, c’est-à-dire un imbécile » (Dict. phil., Causes finales, XXVII, 527). En attendant, il invoque Newton, qui n’était point un imbécile, et qui considérait pourtant la preuve physique comme irréfragable.

Est-ce à dire que les cause-finaliers aient toujours raison ? À la théorie finaliste, compromise par beaucoup de ceux qui la professent, il fait des restrictions nécessaires. Tel philosophe prétendait que l’herbe est verte afin de réjouir nos yeux ; tel autre, que la mer a un flux et un reflux afin de faciliter l’arrivée et le départ des vaisseaux. Se moquant de pareilles sottises, il indique dans quels cas on peut affirmer une finalité. Par exemple, dire que les nez ont été faits pour porter des besicles, c’est absurde ; mais comment nier qu’ils aient été faits pour sentir ? Et, d’une façon générale, « quand on voit une chose qui a toujours le même effet, qui n’a uniquement que cet effet, qui est composée d’une infinité d’organes dans lesquels il y a une infinité de mouvements qui tous concourent à la même production…, on ne peut sans une secrète répugnance nier une cause finale » (Traité de Métaph., XXXVII, 295)[1]. Ceux qui nient que les nez soient faits pour sentir, c’est comme s’ils niaient que les lampes soient faites pour éclairer ou les horloges pour montrer l’heure.

  1. Cf. Dict. phil., Causes finales, XXVII, 528 ; Singular. de la Nature, XLIV, 236 sqq.