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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

L’objection des athées à la preuve physique de Dieu, c’est que le hasard a des combinaisons infinies dans l’infini du temps. Si l’on jette mille dés pendant l’éternité, ces dés ne peuvent manquer, une fois ou l’autre, de présenter tous le même point, mille six par exemple ou mille as. Voltaire en convient. Mais il n’y a là que jeu fortuit, que « chance » ; un tel « coup » ne dénote aucun dessein. Telles ne sont point les « combinaisons » qu’allègue le déiste. Sans parler de l’univers en son ensemble, considérons seulement un organisme doué de vie, qui sent et qui pense : peut-on croire que le mouvement de la matière l’ait produit par hasard ? Dans la façon dont cet organisme est construit il faut reconnaître la sagesse d’un être supérieur[1].

À ceux qui disent que rien n’existe et ne peut exister hors de la nature, que la nature fait tout, que la nature est tout, Voltaire répond qu’il n’y a point de nature, et que, soit en nous, soit autour de nous et à cent mille millions de lieues, tout est art sans aucune exception. Cette idée, il l’a souvent exprimée en combattant l’athéisme, notamment dans l’article Nature du Dictionnaire philosophique[2] ; et, l’un des principaux athées contemporains, le baron d’Holbach, ayant intitulé Système de la Nature l’ouvrage dans lequel il prétendait réfuter l’existence de Dieu, Voltaire lui représente que le seul mot de système marque une intelligence divine, organisatrice de l’univers.

  1. Homélie sur l’Athéisme, XLIII, 230.
  2. « Mon pauvre enfant, remontre la Nature à un philosophe, veux-tu que je te dise la vérité ? c’est qu’on m’a donné un nom qui ne me convient pas ; on m’appelle Nature et je suis tout Art » (XXXI, 268). — Cf. Hist. de Jenni, XXXIV, 388.