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VOLTAIRE PHILOSOPHE

prêt à admettre les théories nouvelles dès qu’elles s’appuient sur des faits bien constatés ; que peut-on lui demander de plus ? Quand il se trompe, ce sont ses yeux qui l’induisent en erreur. « Il est bon, déclare-t-il, de douter encore, jusqu’à ce qu’un nombre suffisant d’expériences réitérées nous aient convaincus que ces plantes aquatiques sont des êtres doués de sentiment, de perception et des organes qui constituent l’animal réel. La vérité ne peut que gagner à attendre » (Singular. de la Nature, XLIV, 224). Si la prudence de Voltaire l’empêche parfois d’admettre des vues justes et profondes, qui n’étaient alors qu’hypothétiques, elle lui épargne aussi maintes erreurs. Dans tous les domaines de la pensée, sa critique devait le préserver des chimères et des utopies[1].

On voit assez quelle méthode prétend appliquer Voltaire, soit en physique, soit en métaphysique. Quand la métaphysique ne se fonde pas sur l’observation des phénomènes, elle n’est, selon lui, qu’un baladinage. Pendant son exil en Angleterre, il reçut du philosophe Clarke quelques instructions touchant « la partie de la philosophie qui veut s’élever au-dessus du calcul et des sens. » Un jour, « plein de ces grandes recherches », il disait à « un membre très éclairé de la société » : « M. Clarke est un bien plus grand métaphysicien que M. Newton »; et celui-ci de répondre froidement : « C’est comme si vous disiez

  1. Ajoutons que Voltaire ne resta pas toujours fidèle à la méthode scientifique si bien esquissée par lui-même. Ce n’est point sa circonspection qu’il faudrait blâmer ; c’est plutôt, en certains cas, une impatience qui lui fait devancer l’étude assidue et diligente des phénomènes.