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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

nisme et du transformisme, Voltaire se réclama, pour les réfuter, soit du « sens commun », soit des travaux de Spallanzani[1]. Il défia Buffon de lui montrer ses molécules, il s’égaya de Needham et de sa merveilleuse farine[2]. Sur les générations spontanées, la science paraît jusqu’ici lui donner raison ; mais la théorie des molécules organiques a, telle que Buffon l’expliquait, beaucoup d’analogie avec la théorie cellulaire des physiologistes modernes.

Ainsi Voltaire ne devina pas ce que renfermaient de vrai certaines conceptions, encore bien rudimentaires, des physiciens ou des géologues contemporains. On peut le regretter ; on peut aussi, et l’on ne s’en est pas fait faute, railler la manière dont il expliqua les faits allégués par eux ; voyageurs déposant chacun son turbot sur les montagnes, pèlerins y laissant tomber les coquilles de leur bonnet, voilà sans doute une excellente matière à persifler ce persifleur. Pourtant, si les progrès de la science devaient confirmer telle ou telle des hypothèses qu’il rejeta, sa circonspection n’en fut pas moins celle d’un esprit scientifique.

Il commence de la façon suivante le traité sur les Singularités de la Nature : « On se propose ici d’examiner plusieurs objets de notre curiosité avec la défiance qu’on doit avoir de tout système jusqu’à ce qu’il soit démontré aux yeux ou à la raison » (XLIV,

  1. Cf. Lettre au marquis Albergati Capacelli, 10 janv. 1766, édition Moland, XLIV, 175.
  2. Cf. Dict. phil., Dieu, XXVIII, 381 sqq. ; l’Homme aux Qua-rante écus, XXXIV, 47 ; l’Histoire de Jenni, ibid., 363; la Défense de mon Oncle, XLIII, 374 ; etc.