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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

L’hypothèse de Maillet se rattachait à tout un système sur les révolutions de la terre, que les eaux, disait-il en substance, ont jadis recouverte, et dans laquelle, baissant peu à peu depuis cette lointaine époque, nos mers finiront par s’absorber. Après lui, reprenant ce système non sans y introduire des modifications importantes, Buffon l’autorisa de son nom. Cependant, par plus que Maillet, il ne convainquit Voltaire.

On peut dire tout d’abord, pour expliquer les préventions de Voltaire contre leur théorie, qu’elle semblait confirmer la légende du déluge[1]. Mais il y opposa des arguments très spécieux, et il contesta les faits sur lesquels on l’appuyait.

D’une part il juge insoutenable que la mer ait pu recouvrir le continent tout entier jusque dans ses parties les plus hautes. Quarante océans tels que le nôtre, dit-il, y suffiraient tout juste ; et comment se serait donc évanouie une masse d’eau égale à trente-neuf océans[2] ? D’autre part il ne veut pas admettre

    chiens, sont venus des chiens, des loups, des ours, des lions marins, et que toutes nos basses-cours ne sont peuplées que de poissons volants qui à la longue sont devenus canards et poules. Et sur quoi a-t-il fondé ces extravagances ? Sur Homère, qui a parlé des tritons et des sirènes. » (Dial. d’Évhémère, L, 229.

  1. À vrai dire, le long séjour de la mer sur nos continents n’a rien de commun avec le déluge biblique, et Voltaire ne l’ignorait pas. Mais les devanciers de Maillet et de Buffon, notamment Burnet, Whiston, Wordword, s’étaient préoccupés de conformer leurs vues aux récits de la Genèse.
  2. Cf. la Dissertation sur les Changements arrivés dans notre Globe, XXXVIII, 565 sqq., la Défense de mon Oncle, XLIII, 360 sqq., Des Singularités de la Nature, XLIV, 246 sqq. — Voltaire prétend aussi que la théorie neptunienne contredit les lois de la gravitation.