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VOLTAIRE PHILOSOPHE

de tableaux de laine et de soie… ou bien celui qui met dans ma poche la mesure du temps » (Dict. phil., Xénophanes, XXXII, 493). En tout cas, son sage est « l’investigateur de l’histoire naturelle » (Ibid., id.). Les seules expériences de l’abbé Nollet, remarque-t-il, nous en apprennent plus que tous les livres des anciens. « Savoir s’arrêter où il faut et ne jamais marcher qu’avec un guide sûr » (Traité de Métaph., XXXVII, 303), telle est la règle de la véritable philosophie. Arrêtons-nous donc aussitôt que « le flambeau de la physique nous manque » (Dict. phil., Âme, XXVI, 234). Les inventeurs de systèmes ne sont pas des philosophes ; on n’est pas un philosophe quand on substitue ses visions à la réalité.

Si, très défiante et très circonspecte, la philosophie de Voltaire repose sur le bon sens, avouons qu’un bon sens trop timide l’a prévenu contre certaines hypothèses qui devaient renouveler la science.

Des savants du xviiie siècle, Maillet notamment et Buffon, soutenaient que les espèces évoluent : il tourna leur théorie en ridicule. Et sans doute il eut tort. Mais remarquons avant tout que Maillet la compromettait par un grand nombre d’affirmations téméraires, voire saugrenues, et que, pour corroborer ces affirmations, il alléguait les récits fabuleux des aventuriers les moins dignes de foi, ou même invoquait les sirènes et les tritons de la mythologie grecque. Comment prendre au sérieux de pareilles extravagances[1] ?

  1. « [Maillet] n’ose pas dire qu’il a vu des hommes marins, mais il a parlé à des gens qui en ont vu ; il juge que ces hommes marins, dont plusieurs voyageurs nous ont donné la description, sont devenus à la fin des hommes terrestres… Il croit de même ou il veut faire croire que nos lions, nos ours, nos loups, nos