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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

tique de cette méthode peut seule nous prémunir contre des théories fausses. Souvent, le plus humble fait découvert par un observateur modeste a ruiné les erreurs les plus sublimes.

« Il nous est donné de calculer, de peser, de mesurer, d’observer ; voilà la philosophie naturelle ; presque tout le reste est chimère » (Dict. phil., Cartésianisme, XXVII, 457)[1]. On peut faire à bon marché de grandes hypothèses ; mais, quand on veut n’avancer que des vérités sûres, il faut procéder par l’analyse. Rabattons notre orgueil ; les hommes sont des aveugles, et l’analyse leur sert de bâton. Mieux vaut encore s’aider de ce bâton en tâtonnant que de tomber dans l’abîme[2].

Voltaire ramène la philosophie à la physique. Un bon physicien, Mairan par exemple, en est, écrit-il, « le premier ministre » (Lettre à Mairan, 24 mars 1741). Il déclare expressément qu’elle consiste dans les expériences bien constatées[3]. Faisant leur procès à Platon et à Descartes, il ne se défend même pas de dire, dans son aversion pour les visionnaires : « Mon sage est celui qui, avec la navette, couvre mes murs

    l’analyse des choses, et ensuite nous tâcherons de voir avec beaucoup de défiance si elles se rapportent avec quelques principes (XXXVII, 299).

  1. Cf. Lettre à M. L. C., 1768; LXV, 283 : « Apprenez-moi l’histoire du monde, si vous la savez, mais gardez-vous de l’inventer. Voyez, tâtez, mesurez, pesez, nombrez, assemblez, séparez, et soyez sûr que vous ne ferez jamais rien de plus. »
  2. Traité de Métaphysique, XXXVII, 309, 310.
  3. Dict. phil., Xénophanes, XXXII, 493. Cf. Le Philosophe : « Certains métaphysiciens disent : Évitez les impressions des sens… Nos philosophes au contraire sont persuadés que toutes nos connaissances nous viennent des sens…, que nous sommes au bout de nos lumières quand nos sens ne sont ni assez déliés ni assez forts pour nous en fournir… De là, la certitude et les bornes des connaissances humaines », etc. (XLVII, 232).