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VOLTAIRE PHILOSOPHE

sophie[1]. Un inventeur de systèmes, c’est un chef de secte ; or, « tout chef de secte en philosophie a été un peu charlatan » (Dict. phil., Charlatan, XXVIII, 23), et, « quiconque est d’une secte semble afficher l’erreur » (Lettre à M. ***, 1774 ; LXIX, 161).

Voltaire ne craint même pas d’interdire au philosophe les hypothèses.

Il en reconnaît pourtant la légitimité et l’utilité dans l’invention scientifique. À moins de hasards qu’on doit mettre hors de compte, nous ne pouvons trouver ce qui nous est inconnu que si nous le relions à ce qui nous est connu par une conjecture plus ou moins vraisemblable. Tous les inventeurs ont fait des hypothèses. Dans le temps où il s’occupa de physique, Voltaire lui-même ne manqua pas d’en faire chaque fois qu’il observait un phénomène nouveau. Et quelques-unes le déçurent ; mais d’autres le mirent sur la voie de vérités que devait confirmer l’expérience[2].

S’il n’en condamne pas moins les hypothèses, c’est dans la crainte qu’elles ne soient admises sans vérification suffisante ou que, prévenant l’esprit, elles ne le rendent incapable d’observer impartialement. Et il insiste partout sur la nécessité de l’analyse. Avant d’expliquer un phénomène par tel ou tel principe, on doit l’analyser avec exactitude[3]. La rigoureuse pra-

  1. Cf. les Systèmes, XIV, 242 sqq.; et, dans l’exorde de la Loi naturelle, XII, 156 :

    Écartons ces romans qu’on appelle systèmes, etc.

  2. Par exemple l’oxydation, ou même la théorie moderne de la chaleur.
  3. Cf. Traité de Métaphysique : « Il ne faut point dire : Commençons par inventer des principes avec lesquels nous tâcherons de tout expliquer. Mais il faut dire : Faisons exactement