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MÉTAPHYSIQUE ET PHYSIQUE

partout du flambeau de la physique », et, « au lieu de définir tout d’un coup ce que nous ne connaissons pas », il observe « ce que nous voulons connaître » (Lettres philos., XXXVII, 179); « il est le premier qui ait examiné la nature par analyse » (Dict. philos., Franc arbitre, XXIX, 505); il étudie le mécanisme de la raison comme un excellent anatomiste celui du corps, et, après tant de philosophes qui écrivirent « le roman de l’âme », il « en écrit modestement l’histoire » (Ibid., Âme, XXVI, 228). S’il n’a pas étendu le champ de la science, il l’a débarrassé des chimères. Il a marqué les limites de notre esprit[1].

Locke, Newton, Bacon, dont Voltaire se reconnaît le disciple, sont tous les trois Anglais. L’esprit pratique et positif de la race anglo-saxonne lui semblait éminemment propre à la philosophie. Aussitôt débarqué en Angleterre, le 12 août 1726 : « Si je suivais mon inclination, écrit-il à Thiériot, ce serait là que je me fixerais. » Et pourquoi s’y fixerait-il ? Pour « apprendre à penser ». Très souvent il déclare que les Anglais, « surtout en philosophie », sont « les maîtres des

    teux d’avoir cherché tant de vérités et d’avoir trouvé tant de chimères, je suis revenu à Locke comme l’enfant prodigue qui retourne chez son père ; je me suis rejeté entre les bras d’un homme modeste qui ne feint jamais de savoir ce qu’il ne sait pas, qui, à la vérité, ne possède pas des richesses immenses, mais dont les fonds sont bien assurés et qui jouit du bien le plus solide sans ostentation (Le Philos. ignorant, XLII, 576).

  1. « Locke a resserré l’empire de la raison pour l’affermir » (Lettre à S’Gravesande, 1er juin 1741). — « La métaphysique n’a été jusqu’à Locke qu’un vaste champ de chimères. Locke n’a été vraiment utile que parce qu’il a resserré ce champ où l’on s’égarait (Dieu et les Hommes, XLVI, 243).

    … Ce Locke en un mot dont la main courageuse
    A de l’esprit humain posé la borne heureuse.

    (Loi naturelle, XII, 170.)