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VOLTAIRE PHILOSOPHE

métrie, appliquée à des questions qui ne sont pas de son domaine, lui fit inventer un Dieu simple à la fois et composé de parties, un Dieu agent et patient, qui aime et qui hait en même temps la même chose, un Dieu astre et citrouille, pensée et fumier, ayant pour modalités les déjections d’un crapaud aussi bien que les idées universelles[1]. Du reste, le panthéisme de Spinoza n’est, à vrai dire, qu’une forme particulière d’athéisme[2]. Et son athéisme s’explique, selon Voltaire, par le mépris des contingences. Plutôt que d’observer les faits, il « se mit tout d’un coup à la tête de l’origine des choses » (Le Philos. ignorant, XLII, 567). S’il avait voulu considérer le monde sensible, il aurait reconnu une Providence ; fermant les yeux à la réalité, il bâtit sa doctrine sur l’abus le plus monstrueux de vaines abstractions.

Leibniz ne fut pas plus sage. Et sans doute on doit admirer en lui le savant historien, le profond jurisconsulte, le mathématicien assez fort pour rivaliser avec Newton[3]. Mais qu’est-ce que sa métaphysique ? Comme Descartes et Spinoza, il systématise les jeux de son esprit.

Dans les Éléments de la Philosophie de Newton,

  1. Le Philosophe ignorant, XLII, 564 sqq.
  2. Cf. les Systèmes :

    Alors un petit Juif, äu long nez, au teint blême,
    Pauvre, mais satisfait, pensif et retiré,
    Esprit subtil et creux, moins lu que célébré,
    Caché sous le manteau de Descartes son maître,
    Marchant à pas comptés, s’approcha du grand Être :
    « Pardonnez-moi, dit-il, en lui parlant tout bas,
    Mais je pense entre nous que vous n’existez pas. »

    (XIV, 246.)
  3. Siècle de Louis XIV, XX, 341. — Cf. Lettre à M. Dulens, 29 févr. 1768, édition Moland, XLV, 540.