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VOLTAIRE PHILOSOPHE

que d’après la maxime : qui confisque le corps, confisque les biens. Dira-t-on que cette loi nous vient de Rome ? Elle y fut inconnue jusqu’à Sylla. C’est ce que remontre Voltaire ; et, protestant qu’« une rapine inventée par Sylla n’était point à suivre », que ni César, ni Trajan, ni les Antonins ne la suivirent, il s’élève contre la coutume barbare en vertu de laquelle on punit une famille entière pour la faute d’un seul homme[1].

Il ne demande pas que la peine de mort soit supprimée ; mais on ne doit l’infliger, selon lui, qu’aux pires criminels, incendiaires par exemple ou parricides[2], et lorsqu’on n’a pas un autre moyen de préserver la vie du plus grand nombre[3]. Deux sortes de raisons s’opposent à l’application de cette peine. Premièrement, des raisons d’humanité. Quand la loi condamne à mort, il y a bien des cas où l’humanité nous oblige d’en adoucir la rigueur. « L’épée de la justice est entre nos mains ; mais nous devons plus souvent l’émousser que la rendre plus tranchante. On la porte dans son fourreau devant les rois ; c’est pour nous avertir de la tirer rarement » (Comment sur le Livre des délits, XLII, 444). En second lieu, des raisons d’utilité. Un homme pendu ne rend plus aucun service. Mais, si nous condamnons le criminel aux travaux publics[4], ou si, comme les Anglais, nous l’envoyons dans les colonies, ce criminel, « dévoué

  1. Dict. phil., Confiscation, XXVIII, 165 sqq. ; Commentaire sur le Livre des délits, XLII, 464 ; Instruction pour le prince royal de ***, XLIII, 428.
  2. Lettre à M. Philippon, 28 déc. 1770.
  3. Prix de la Justice et de l’Humanité, L, 264. — Cf. Hist. de Jenni, XXXIV, 347.
  4. Dict. phil., Lois civiles et ecclésiastiques, XXXI, 85, 86.