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POLITIQUE

tenus d’acquitter, si le crime n’est pas aussi certain que doit l’être le supplice. Des probabilités suffisent quand il s’agit d’expliquer un testament, un contrat de mariage ; car le tribunal ne peut laisser les litiges en suspens. Mais ce qui est bon dans les procès civils est abominable dans les procès criminels. Dans les procès criminels, une seule probabilité favorable à l’accusé, contre cent mille défavorables, doit lui valoir son absolution[1].

De crainte qu’on ne le punisse, même s’il est innocent, l’accusé s’évade et s’enfuit toutes les fois qu’il en trouve le moyen. Mais sa fuite l’expose à une condamnation par contumace, même si l’on n’a pas prouvé sa culpabilité. D’après beaucoup de jurisconsultes, celui qui refuse de comparaître se reconnaît dès lors coupable, et, en tout cas, le mépris qu’il fait de la loi justifie son châtiment. Une ordonnance de procédure civile défend de condamner par défaut sans preuves, aucune ordonnance de procédure criminelle ne dit que, faute de preuves, le contumace sera absous. Peut-on voir rien de plus étrange ? Et la loi doit-elle donc faire cas de l’argent plus que de la vie[2] ?

Parmi les peines, il y en a qu’on devrait soit abolir, soit réserver pour certains crimes extraordinaires.

Dans quelques pays de France, une loi fondée sur le droit canon attribue au Trésor public l’avoir du suicidé ; dans quelques autres, la confiscation s’appli-

  1. Dict. phil., Crimes, XXVIII, 234 sqq., Vérité, XXXII, 433, 434 ; Essai sur les probabilités, XLVII, 37 sqq. ; Commentaire sur le Livre des délits, XLII, 472 sqq.
  2. Dict. phil., Criminel, XXVIII, 242 ; Commentaire sur le Livre des délits, XLII, 474.